L'ergotherapie, oubliée de la covid ?
Définitivement, 2020 et 2021 seront marquées par la Covid-19… Au printemps 2020, 1ère vague et confinement généralisé ; à l’automne 2020, 2e vague et nouveau confinement ; au printemps 2021, 3e vague et retour à une forme de confinement. « Jamais 2 sans 3 » nous dit le proverbe, espérons qu’on ne lui découvre pas une suite du genre « ni sans 4, 5, … » En attendant, appliquons les gestes barrières, protégeons-nous et isolons-nous si besoin est.
Le 1er confinement a vu un phénomène émerger à travers le #OnApplaudit. Fallait-il applaudir les soignants ? Pour certains, il ne faisaient que leur boulot alors que pour d’autres, ils étaient en première ligne et, à ce titre, méritaient qu’on les soutienne. La réalité étant souvent une affaire d’équilibre, la vérité doit se trouver quelque part entre ces deux extrêmes. Et force est de constater que, deux confinements plus tard, les applaudissements se sont tus.
Et l’ergothérapie, a-t-elle été applaudie ?
Pas sûr, si l’on tient compte de la méconnaissance de la profession par le grand public. Cet art de l’accompagnement des personnes en situation de handicap ou de dépendance vers la meilleure autonomie possible à travers leurs activités signifiantes mériterait pourtant d’être bien plus connu !
Et pas sûr au regard des faits récents liés au 3e confinement. Suite aux mesures annoncées le 31 mars 2021, des associations représentatives de professions de santé, ergothérapeutes compris, ont dénoncé dans un communiqué commun « le non-choix imposé aux professionnels de santé libéraux » en ne les intégrant pas dans la liste des professionnels indispensables autorisés à disposer d’une solution d’accueil pour leurs enfants afin de pouvoir travailler et ont demandé une rectification immédiate. Une mise à jour de cette liste a été publiée… mais, à l’heure où ces lignes sont écrites, les ergothérapeutes en demeurent exclus ! Affaire à suivre ?
Pourtant, en contexte de Covid (et pas que!), l’ergothérapie a son rôle à jouer ! Des recommandations de recours à l’ergothérapie pour les personnes atteintes de la Covid-19 ont été éditées et diffusées, et ce à l’échelle internationale !
Ainsi, le Royal College of Occupational Therapists (Collège royal des ergothérapeutes, Royaume-Uni) précise qu’ « il est essentiel que ces personnes aient accès à la rééducation-réadaptation afin d’avoir la meilleure chance possible de maximiser leur rétablissement » et qu’ « en tant qu’experts de la réadaptation ayant une vision holistique, les ergothérapeutes ont un rôle essentiel à jouer dans le traitement des effets invalidants de la Covid-19. En proposant une approche personnalisée et axée sur l’occupation, ils soutiennent le rétablissement des personnes souffrant de difficultés fonctionnelles dues au virus. »
La World Federation of Occupational Theray (fédération mondiale d’ergothérapie) préconise « l’accès à l’ergothérapie pour faciliter la pleine participation et l’inclusion des personnes dans la société en tant que droit humain. »
L’Organisation Mondiale de la Santé elle-même inclue les ergothérapeutes en bonne place dans le processus de réadaptation des personnes atteintes de la Covid-19.
En France, les sociétés savantes de l’ergothérapie indiquent que « les personnes atteintes de Covid-19 ont besoin d’accéder à des soins en ergothérapie leur permettant de retrouver le plus rapidement possible leurs capacités, leur autonomie, leurs activités. Il est essentiel d’inclure les ergothérapeutes dans la lutte contre l’épidémie. »
La Haute Autorité de Santé, quant à elle, identifie l’intérêt de soins d’ergothérapie dans toutes les étapes du processus, y compris une fois sorti des établissements de soins en recommandant « un suivi des actions sur les facteurs de perte d’autonomie » et « de sécuriser au mieux le domicile », actes pour lesquels il est « possible d’orienter vers les ergothérapeutes libéraux. » A noter que la Haute Autorité de Santé indique également les rôles des kinés, des orthophonistes et des psychomotriciens : eux sont sur la liste…
En soi, les ergothérapeutes libéraux ne sont pas interdits d’exercer. Mais dans quelles conditions, pour eux comme pour leurs patients ? Rappelons que l’ergothérapie libérale n’est pas remboursée par la Sécurité sociale. Maintenant, il semble que l’ergothérapie n’est pas considérée comme essentielle…
D’où la question que pose cet article : l’ergothérapie tend elle à être oubliée ? Autrement posée, la question pourrait être : comment mettre à profit les bienfaits de l’ergothérapie auprès de ceux qui en ont besoin si les ergothérapeutes eux-mêmes ne peuvent pas être mieux considérés ? Et, oui, la question peut se poser plus largement que seulement du point de vue de la Covid !
Soyons honnêtes : tout n’est pas noir non plus. L’ergothérapie connaît des évolutions récentes non négligeables, comme, par exemple, le droit à la prescription d’aides techniques qui a été inclus dans la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, adoptée le 14 avril 2021.
Et « Paris ne s’étant pas faite en un jour », l’ergothérapie continue son développement…